Ma 1ère fausse couche

dessin fausse couche

Le contexte, l’avant

Un bébé, une grossesse arrive toujours dans un contexte familial unique.
Je vais donc raconter le mien, qui fait partie de mon histoire, de notre histoire.

Issue d’une famille recomposée, à notre rencontre, nous avions chacun des enfants. Les miens étaient jeunes, et je vivais une procédure de divorce qui allait s’étaler sur 10 ans. Je ne me voyais pas avoir, dans ce contexte, un autre bébé. Il faut dire également que j’avais beaucoup grossi (25kg en 6 mois) et aspirai à retrouver mon poids de forme avant de me lancer dans ce nouveau projet. Ajouté à tout cela une incertitude quant à l’avenir de mon couple et un papa bien que partant, mais me laissait mûrir toutes les parties de moi, sans relance.

Au bout de plusieurs années, j’ai lâché certaines peurs et « idées idéalisées de comment ça devait se passer » et nous avons décidé que j’arrêterai la pilule, et laisserons faire la nature. Nous étions en 2018.

En septembre j’ai un accident de voiture. A priori sans gravité, je me suis retrouvée dans une spirale de douleurs lombaires et de traitements médicamenteux. Notre projet était bien en stand bye.
Au printemps 2019, je commençais à sortir de l’eau après avoir été visiter quelques uns de mes démons et m’étais sevrée toute seule de mes doses de tramadol.

Et si ?

Nous nous sommes donc retrouvés à rêver de nouveau à ce projet de bébé. Et si c’était LE moment ?

Une grossesse si vite interrompue

Je suis tombée enceinte le mois suivant, en juillet 2019. Nous n’en revenions pas. Retard de règle, test de grossesse, puis prise de sang. Pourtant, la probabilité, la norme ne me rendait fertile qu’à 25% (j’avais 37 ans, donc plus de 35…) pendant ma période d’ovulation.

Nous étions tellement surpris et contents, que nous l’avons annoncé à nos enfants (mon fils cadet l’avait d’ailleurs tout de suite senti).
Cet état d’être sur un nuage, à nous projeter, dans une vie avec ce bébé que nous avions tant attendu, qui allait être notre « trait-d’union » de notre jolie famille recomposée, nous a fait rêver. J’ai tout de suite acheté un album de grossesse et commençai à le remplir, nous regardions le choix des maternités.

Cet état, ces instants volés ont duré 2 semaines depuis la confirmation par prise de sang.

La bascule

Un mercredi, alors que mon chéri était chez ses parents et en profitait pour annoncer la bonne nouvelle, j’ai commencé à saigner.
J’ai attendu qu’il rentre, ne sachant comment annoncer ça. Et puis, je ne voulais pas y croire, je voulais compter d’espérer. Ces heures ont été angoissantes, alternant un « mais ça arrive de saigner pendant la grossesse », à « je fais une fausse couche » en passant par des « ça va s’arrêter de saigner ». Le tout en récupérant les enfants au centre de loisirs, « comme si de rien n’était ».

Le soir, les saignements continuant, nous nous sommes rendus aux urgences de l’hôpital le plus proche.

L’admission aux urgences

1ère douche froide !
Je ne sais toujours pas comment cela a pu être possible mais la secrétaire m’a retrouvé sous mon ancien nom marital. Malgré le fait que je lui ai présenté ma carte d’identité avec mon nom patronymique, que je lui explique que j’étais divorcée depuis des années, que c’était un nom d’usage, que j’étais libre de l’enlever, et que je venais pour une suspicion de fausse couche, elle n’a rien voulu entendre. J’étais débordée d’émotion.
Lorsque que j’ai été appelée (par mon ancien nom marital donc), je me suis effondrée. J’ai réexpliqué la situation et l’infirmière a fait preuve de beaucoup de compassion et a modifié mon dossier. j’étais à plus de 15 de tension, et pour cause.

Nous avons été pris en charge, et on m’a fait une échographie. C’était sans compter ce moment compliqué où j’ai dû enlever ma culotte ensanglantée à la vue du médecin et de mon compagnon, et me faire rentrer l’engin (sonde vaginale) dans un état émotionnel intense. On nous a fait de nouveau attendre pour après nous annoncer que je l’avais perdu. Que tout était fini, sorti. Il m’a fait un arrêt pour le jeudi et le vendredi, et au revoir.
Bien entendu, j’ai eu le droit à « c’est courant au 1er trimestre », « vous recommencerez ».

La non prise en compte de l’état émotionnel

2 jours. On m’avait donné 2 jours d’arrêt de travail. Deux journées pour accepter que ce sang n’était pas celui de mes règles, mais celui de la fin d’une grossesse. Ce sang c’était lui, son nid, ses nutriments, tout ce que mon corps avait fabriqué pour lui fabriquer un cocon pour 9 mois.
C’était aussi la fin d’espoir, de rêves, de projets.
2 jours et la vie devait reprendre comme si de rien n’était. Et puis mes enfants qui attendaient à la maison notre retour. Comment leur annoncer sans fondre en larmes ? Comment faire comme si auprès de tous ceux qui n’étaient pas au courant ? Et l’annoncer aux quelques personnes qui l’étaient ?
Mon médecin traitant était absente en cette période, je ne savais même pas vers qui me tourner.

L’annonce aux enfants

J’avoue ne pas du tout me souvenir des mots que nous avons employés. Je me souviens avoir été inquiète pour eux car je les savais seuls à la maison pendant les 4h d’attente/consultation aux urgences. Ce n’était plus de jeunes enfants, mais je stressais pour eux. Et puis je m’en voulais de leur avoir annoncé. Je trouvais ça injuste pour eux, d’être confrontés à ces montagnes russes émotionnelles. J’aurai tellement voulu les en préserver. Comment leur annoncer qu’il était déjà parti ? Que c’était fini ? Je pense que dès qu’ils m’ont vu, les yeux boursouflés, ils ont su que les nouvelles n’étaient pas bonnes. Nous n’avions jamais été confronté à cela. Mes enfants avaient été abandonné par leur père/géniteur, et j’essayai depuis de les préserver comme je le pouvais. Je me souviens que mon fils cadet s’est beaucoup exprimé, sa tristesse, des larmes. Il a posé des questions, mais nous n’avions que peu de réponses finalement.
Mon fils aîné n’a pas dit grand chose mais son visage en disait long. Il m’a fait un énorme câlin.

Mon corps saigne encore

Le week-end, soit 4-5 jours après, je saignais toujours. Je me souviens de ne plus supporter ce sang. Comme je l’expliquai plus haut, cela représentait cette fin, cet arrêt de grossesse, et je voulais que tout sorte de mon corps. J’ai un trouvé un médecin du même cabinet médical. Devoir raconter cette détresse et les effets physiques à un homme… pas le choix. Je ne pouvais pas reprendre le travail et faire comme si. J’étais si fatiguée. Il n’a pas su me dire combien de temps de saignerai, mais il semblait touché, sans trouver les mots. Il m’a arrêté 2 jours. J’avais déjà posé mon mercredi (J+7) et j’allais poser des RTT pour le reste de la semaine.

Reprise du travail, et du reste

Je me souviens avoir repris le travail le jeudi, soit 1 semaine après. Je n’ai finalement pas posé le reste de la semaine. Les saignements avaient cessé, et je me sentais prête pour faire la « happy face » au boulot. Après tout, qui j’étais pour pleurer alors que d’autres vives bien pire, perdent leur bébé plus tardivement voir au terme ou quelques mois après la naissance ? Je ne me suis pas autorisée à pleurer plus, je trouvais ça indécent, car ma fausse couche a tellement été banalisée, est tellement banalisée dans la société. Mais la douleur était là, le manque aussi.

Soigner ses plaies

Durant cette période, je faisais un travail sur le transgénérationnel, coupure des liens etc. J’ai donc contacté en urgence cette personne pour nous aider. Nous l’avons vue 2 jours après. Je lui ai expliqué que je ne supportai plus les saignements qui étaient abondants. Elle m’a fait un soin pour que ça se calme. Elle a réceptionné des messages sur le fait que cette petite âme était venue faire une expérience, et était repartie. Qu’elle nous aimait fort. Que ça serait bien de lui faire un au revoir, un rituel (ce que nous avions prévu dans l’après-midi), que mon compagnon avait des deuils à faire. (En effet,il avait déjà connu ça).
Nous pensions sincèrement qu’avec tout ça, la prochaine serait la bonne.

Un rituel d’au revoir suite à une fausse couche et bien plus

Nous avons fait un rituel, tous les deux. Chacun a écrit le message qu’il souhaitait écrire à cette âme qui nous avait choisi, ce qu’il ressentait, la laisser partir. Nous avons allumé une bougie et nous avons lu à voix haute chacun nos lettres. C’était la 1ère fois que nous nous livrions ainsi, et que nous acceptions de la laissé partir. Nous avons beaucoup pleuré. Nous avons brûlé nos lettres et avons rangé dans une boite le livre de grossesse à peine commencé, le résultat du test de grossesse, et le bracelet des urgences. Je ne voulais plus voir cette boite, l’enterrer ou autre. Mon compagnon a souhaité la garder, il l’a donc rangé quelque part.


Cette page se tournait et savions que le temps nous aiderait à continuer.

A toi, chère âme qui est toujours dans mon coeur.